📌 Prison de Bordeaux-Gradignan : « C’est comme livrer du cannabis… » s’indignent les surveillants après la livraison de 20 000 bouteilles de vin

Posted 12 septembre 2025 by: Admin
Une Livraison Controversée Qui Fait Scandale
« Je n’ai jamais vu cela » : la stupéfaction de Ronan Roudaut, délégué syndical de l’Ufap-Unsa Justice avec 35 ans d’expérience pénitentiaire, résume l’ampleur du scandale qui secoue le centre de Bordeaux-Gradignan. Fin août, les agents chargés du contrôle d’accès ont découvert une livraison hors norme : des palettes entières contenant 15 000 à 20 000 bouteilles de vin destinées à pénétrer dans l’enceinte carcérale.
Cette révélation, rendue publique par le syndicat dans un communiqué du 8 septembre, expose une « absurdité » administrative sans précédent. Les agents, habitués aux contrôles de sécurité stricts, se sont trouvés face à des milliers de contenants d’alcool – une substance formellement interdite en détention selon la loi pénitentiaire.
La polémique prend une dimension particulière quand on connaît la destination officielle de ces bouteilles : la confection de paniers gourmands par les détenus. Un projet d’insertion professionnelle qui cache un paradoxe troublant dénoncé par le syndicaliste. Cette livraison massive d’alcool dans un environnement où la sécurité reste la priorité absolue soulève des questions majeures sur les procédures de contrôle et les risques encourus par le personnel pénitentiaire.
Les Paniers Gourmands : Une Mission Pénitentiaire Détournée
Officiellement, ces milliers de bouteilles devaient servir à un projet d’insertion professionnelle : la confection de paniers gourmands par les détenus. Une mission censée développer leurs compétences et favoriser leur réinsertion. Pourtant, cette initiative révèle un paradoxe saisissant que Ronan Roudaut n’hésite pas à dénoncer.
« Ils vont donc confectionner des paniers gourmands avec des produits qu’ils ne pourront pas se payer avant quinze ou vingt ans pour certains », souligne le délégué syndical. Cette déclaration met en lumière l’absurdité de la situation : contraindre des détenus à manipuler quotidiennement des produits de luxe totalement inaccessibles à leur pouvoir d’achat.
Le projet d’insertion se transforme ainsi en exercice de frustration. Ces hommes incarcérés, dont beaucoup peinent à subvenir aux besoins les plus élémentaires avec leurs maigres revenus carcéraux, se retrouvent confrontés à des milliers de bouteilles de vin qu’ils assemblent sans pouvoir y goûter.
Cette contradiction frappe d’autant plus qu’elle touche au cœur des missions pénitentiaires : comment préparer efficacement la réinsertion en exposant les détenus à des biens qu’ils ne pourront jamais acquérir légalement ? Le projet, initialement conçu pour responsabiliser et valoriser le travail des détenus, devient un rappel permanent de leurs limitations économiques futures.
Des Risques Sécuritaires Majeurs Identifiés
Au-delà des considérations économiques, cette accumulation de milliers de bouteilles soulève des inquiétudes sécuritaires majeures. Ronan Roudaut, fort de ses 35 années d’expérience pénitentiaire, tire la sonnette d’alarme avec une fermeté rare : « Nous craignons que ces bouteilles d’alcool ne soient consommées, et qu’un ou plusieurs détenus pètent les plombs, avec pour conséquence un risque de violence, soit entre eux, soit envers le personnel ».
Le délégué syndical identifie plusieurs failles sécuritaires concrètes. D’abord, la facilité de vol : « Beaucoup de ces bouteilles ont une contenance de 37,5 cl, et peuvent donc être facilement dérobées ». Ces formats réduits, pensés pour les paniers gourmands, deviennent paradoxalement des objets plus aisément dissimulables dans l’environnement carcéral.
Plus préoccupant encore, le risque de transformation en armes improvisées. « Certains détenus pourraient aussi les casser, et s’en servir comme une arme », précise Roudaut. Le verre brisé constitue depuis toujours une menace redoutable dans l’univers pénitentiaire, où la moindre tension peut dégénérer.
Face à ces dangers multiples, le syndicaliste qualifie cette initiative de démarche « pousse-au-crime ». Une expression forte qui résume l’incompréhension des professionnels face à une décision exposant inutilement détenus et personnel à des risques évitables.
Un Vide Procédural Qui Interroge
Ces risques sécuritaires multiples soulèvent une question fondamentale : comment une telle livraison a-t-elle pu avoir lieu sans encadrement ? L’enquête révèle un vide procédural stupéfiant. Selon Le Figaro, aucune consigne de sécurité n’aurait été transmise au personnel, « pas même la diffusion d’une note de service ». Une carence administrative qui laisse les agents démunis face à cette situation inédite.
Aujourd’hui, les cartons remplis de vin demeurent stockés au sein de la prison girondine, créant une épée de Damoclès permanente. Cette situation perdure dans un flou total, sans protocole défini pour gérer ces milliers de bouteilles.
Pourtant, le cadre légal est on ne peut plus clair. Ronan Roudaut le rappelle avec fermeté : « La loi pénitentiaire interdit formellement la consommation et la possession d’alcool dans des enceintes pénitentiaires, en dehors des lieux de restauration comme les mess des personnels ». Cette interdiction ne souffre aucune exception, même dans le cadre d’activités d’insertion professionnelle.
Le paradoxe est saisissant : une institution censée faire respecter la loi se retrouve en situation de violation flagrante du code pénitentiaire. Cette défaillance administrative pose des questions troublantes sur les mécanismes de contrôle et de validation des projets au sein du système carcéral français.