📌 Arrêt maladie et bénévolat : pourquoi la mention « sortie libre » ne vous autorise pas à toute activité

Posted 11 décembre 2025 by: Admin
Un Joueur De Pétanque Trahi Par Ses Tournois
Entre octobre 2014 et décembre 2016, un salarié de l’Eure reste en arrêt maladie continu pendant 26 mois. Officiellement incapable de travailler, il maintient pourtant la présidence bénévole de son club de boules et dispute 14 compétitions officielles de pétanque. Ce qu’il considère comme raisonnable — moins d’un tournoi par mois — attire l’attention de la CPAM de l’Eure, qui y voit une violation flagrante des règles encadrant le versement des indemnités journalières.
Le contraste saisit : alors que son état de santé justifie officiellement une interruption totale d’activité professionnelle, l’homme enchaîne assemblées générales et parties compétitives sur les terrains sablonneux. La Sécurité sociale ne tarde pas à réagir face à cet engagement sportif soutenu. Elle réclame le remboursement des sommes versées pendant cette période, estimant que l’assuré a méconnu l’obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée durant son arrêt.
L’affaire franchit tous les échelons judiciaires jusqu’à la Cour de cassation. Ce qui semblait anodin — quelques parties de pétanque entre voisins — se transforme en dossier exemplaire scruté par les plus hautes juridictions françaises. Le salarié se retrouve sommé de justifier comment concilier incapacité de travail et participation régulière à des tournois officiels, une équation que la justice s’apprête à résoudre.
La Justice Tranche : Violation Caractérisée Mais Sanction Mesurée
Le 5 mai 2023, la Cour d’appel de Rouen rend un verdict qui surprend par son équilibre. Elle confirme que le salarié a bel et bien méconnu volontairement l’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale, qui impose à tout assuré de s’abstenir de toute activité non autorisée pendant son arrêt. Mais les juges retiennent également sa bonne foi, soulignant que 14 manquements en 20 mois restent limités. Cette nuance change tout : au lieu d’obtenir le remboursement intégral réclamé, la CPAM ne récupère que 2 000 euros d’indemnités journalières.
L’organisme, insatisfait de cette décision, saisit la Cour de cassation. Le 16 octobre 2025, le retournement devient spectaculaire : la plus haute juridiction valide la modulation opérée par la cour d’appel et condamne la CPAM à verser 3 000 euros au salarié pour ses frais de procédure. « Ce montant correspond à la somme que la partie perdante doit verser à la partie gagnante afin de couvrir les frais engagés », précise Marine Dubois, avocate au cabinet Kanoon.
Le bilan financier final illustre le paradoxe : reconnu coupable d’une violation, le joueur de pétanque reçoit finalement 1 000 euros de plus qu’il ne rembourse. Une issue qui révèle toute la subtilité du droit social face aux situations ambiguës.
Article L. 323-6 : Les Règles Méconnues De L’Arrêt Maladie
Cette affaire met en lumière une obligation légale largement ignorée par les assurés. L’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale impose quatre conditions strictes pour percevoir des indemnités journalières : suivre les prescriptions médicales, se soumettre aux contrôles, respecter les heures de sortie et s’abstenir de toute activité non autorisée. C’est ce dernier point qui a piégé le joueur de pétanque.
« L’incompatibilité entre la présidence d’une association sportive (activité bénévole) et l’arrêt de travail ne tient pas à la rémunération, mais à l’obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée », explique Marine Dubois, avocate au cabinet Kanoon. Le salarié croyait être protégé par l’absence de contre-indication médicale sur ses arrêts. Erreur fatale : sans autorisation expresse mentionnant les activités permises, tout engagement reste juridiquement risqué.
Cette précision juridique bouscule une idée reçue tenace. La gratuité du bénévolat ne constitue aucune protection. Présider un club, participer à des assemblées générales ou disputer des tournois officiels exige une autorisation médicale écrite et explicite. « Sans autorisation médicale expresse confirmant l’absence de risque pour sa santé, l’assuré doit s’abstenir d’exercer cette activité », martèle l’avocate. Une règle que beaucoup découvrent trop tard, face aux demandes de remboursement.
Sortie Libre Ne Signifie Pas Activité Libre
Le président du club de pétanque a invoqué un argument que beaucoup croient protecteur : la mention « sortie libre » inscrite sur ses arrêts de travail. Cette formule, apposée par le médecin prescripteur, autorise effectivement l’assuré à quitter son domicile sans contrainte horaire. Mais elle ne délivre aucun blanc-seing pour reprendre des activités extérieures.
« La mention « sortie libre » autorise l’assuré à sortir librement de son domicile mais ne l’autorise pas à pratiquer des activités quelconques », tranche Marine Dubois. La nuance échappe à de nombreux salariés en arrêt, qui confondent liberté de déplacement et liberté d’action. Présider un club implique des réunions, des assemblées générales, des déplacements vers les terrains de compétition. Autant d’engagements incompatibles avec le statut d’arrêt maladie.
La juriste du cabinet Kanoon insiste sur l’unique garde-fou juridique : « Pour que de telles activités soient permises, le médecin aurait dû l’indiquer de manière explicite. » Sans cette précision écrite, noir sur blanc, l’assuré s’expose aux poursuites. Le salarié de l’Eure en a fait l’amère expérience. Sa défense s’est effondrée face à cette règle méconnue mais inflexible, rappelant que l’interprétation personnelle des arrêts médicaux reste un terrain juridiquement miné.










